Soirée organisée par la Grande Mosquée de Strasbourg (GMS) le 9 décembre 2025

À l’initiative de la GMS, cette conférence animée par Nicolas Cadène, ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, a proposé un éclairage historique et juridique sur la laïcité en France. De ses origines marquées par les conflits religieux à ses enjeux contemporains, elle a rappelé les principes fondateurs de la laïcité, leur équilibre, et la vigilance nécessaire pour en préserver l’esprit.
Intervenant : Nicolas Cadène, ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité.
1. Repères historiques
La conférence a rappelé les étapes essentielles de la construction de la laïcité. La Réforme protestante met l’accent sur l’accès direct aux textes sans intermédiaire. Les tensions entre catholiques et protestants mènent au massacre de la Saint-Barthélemy. L’édit de Nantes, instauré par Henri IV, apaise temporairement les conflits, mais Louis XIV le révoque. Malgré cela, certains défendent déjà la liberté de conscience.
Spinoza introduit l’idée d’un État neutre. Les philosophes des Lumières (Voltaire, Condorcet, Rousseau) développent les notions de tolérance et de protection des droits. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789), notamment les articles 1, 4, 10 et 11, fonde les libertés individuelles.
2. De la séparation à la loi de 1905
En 1795, un décret établit une première séparation entre l’État et les cultes. Napoléon revient ensuite sur ce principe pour éviter que les religions ne constituent des contre-pouvoirs. Le Concordat organise alors un régime où catholiques, protestants et israélites sont reconnus pendant un siècle.
Au XIXᵉ siècle, les lois Guizot, Falloux puis Ferry (1880) laïcisent progressivement l’école et rendent l’instruction obligatoire. Un jour hebdomadaire non scolaire est laissé aux familles, souvent utilisé pour les pratiques spirituelles. Les cimetières deviennent publics, et des réformes touchent aussi la santé. En 1904, Émile Combes mène une politique anticléricale très affirmée.
La loi de 1905, portée par Aristide Briand, « fille de l’Église et des Lumières », établit la séparation des Églises et de l’État. Elle garantit les libertés individuelles, l’égalité devant un État neutre et le respect des croyances. Elle est pensée comme équilibrée et adaptable. L’article 47 concerne l’Algérie.
3. Principes actuels de la laïcité
La laïcité est aujourd’hui un principe républicain, destiné à assurer la liberté de conscience et la sécurité de chacun. Elle n’est pas une valeur morale et ne se réduit pas à la tolérance. Toute religion peut être pratiquée en France dans le respect de l’ordre public et des croyances d’autrui. Elle s’oppose à la théocratie et aux discriminations envers certaines religions.
Les références juridiques sont la loi de 1905 (articles 1 et 2), la Déclaration de 1789, la loi de 2004 et la loi de 2021. L’État est non confessionnel, le service public est neutre, mais les citoyens n’ont pas à l’être. Les établissements privés confessionnels existent sous contrat. L’Alsace-Moselle demeure sous régime dérogatoire.
4. Enjeux et vigilance
Les religions peuvent être étudiées à l’école dans les disciplines existantes, mais les enseignants restent peu formés. La conférence a insisté sur la nécessité de prendre du recul, d’éviter les instrumentalisations de la laïcité et de distinguer droit et opinions personnelles.
Jean Jaurès est rappelé : un service public fort est essentiel contre les heurts identitaires. Les interdictions ne suffisent pas si la mixité sociale, la discrimination ou la liberté réelle ne sont pas traitées.
5. Rôle de chacun et signes religieux
Faire vivre la laïcité revient à aller vers l’autre, créer des espaces de débat, s’appuyer sur l’éducation populaire et interpeller institutions et médias.
Concernant les signes religieux, l’État ne les interdit pas : seule la neutralité des agents publics s’impose. Certaines propositions de lois du Sénat ont été présentées comme trompeuses ou contraires à l’esprit de la loi, et pourraient être jugées non conformes à la Constitution.
Conclusion
La conférence rappelle que la laïcité n’est vivante que lorsqu’elle devient une pratique quotidienne de respect, de liberté et de responsabilité partagée.
