10 décembre 2025

Soirée à la Synagogue de la Paix

60 ans d’un chemin décisif

Soixante ans après sa promulgation, la déclaration Nostra Aetate continue d’éclairer le dialogue entre l’Église catholique et le judaïsme. À travers une conférence à deux voix réunissant le Grand Rabbin de Strasbourg, Harold Abraham Weil, et Mgr Pascal Delannoy, les intervenants ont relu ce texte fondateur, entre avancées décisives, limites persistantes et responsabilités pour aujourd’hui.

Conférence à deux voix

Organisée par l’association Charles Péguy et sa présidente Jacqueline Cuche, et modérée par le Père Jean-Luc Liénart, vicaire général, la conférence a réuni le Grand Rabbin de Strasbourg, Harold Abraham Weil, et Mgr Pascal Delannoy, archevêque de Strasbourg, autour de la déclaration Nostra Aetate (1965).

Maurice Dahan, président du Consistoire de Strasbourg, a ouvert la rencontre en souligant la fragilisation actuelle des relations entre croyants, qui rend plus nécessaire que jamais le choix de la confiance, de la fraternité et de la vérité du dialogue. Ce défi est à la fois éthique et spirituel.

Jacqueline Cuche a rappelé que Nostra Aetate fut le premier texte magistériel où l’Église parlait explicitement du judaïsme. Elle a souligné l’importance du passage historique « du mépris à l’estime », qui a ouvert une dynamique durable, et la portée symbolique du regard renouvelé porté sur Israël.

Le Grand Rabbin Harold Abraham Weil a évoqué une réception initiale mêlant soulagement et méfiance, marquée par les cicatrices de l’histoire. En tant que talmudiste, il a insisté sur la complexité d’un texte aussi bref : Nostra Aetate comporte des avancées réelles, mais aussi des résistances structurelles.

Il regrette notamment la faiblesse du dernier paragraphe concernant l’antisémitisme, qui « déplore » plus qu’il ne condamne. Il souligne également une difficulté persistante : percevoir le judaïsme comme une réalité vivante, et non comme une simple racine figée du christianisme. Pour lui, les 60 ans du texte – âge de la maturité dans la tradition rabbinique – constituent un appel à poursuivre le chemin avec lucidité et responsabilité.

Mgr Pascal Delannoy a retracé le long travail historique et théologique ayant conduit à Nostra Aetate : l’apport décisif de Jules Isaac, l’impulsion de Jean XXIII, les résistances liées à la théologie de substitution et les débats conciliaires.

Il a rappelé que l’alliance ancienne n’est pas remplacée, que le peuple juif n’est pas maudit, et que la relation judéo-chrétienne constitue un lien singulier, enraciné au

cœur même de l’identité chrétienne. Il a insisté sur la vigilance nécessaire dans la catéchèse et dans l’usage des mots, notamment face à la montée de l’antisémitisme.

En conclusion, Jean-Luc Liénart a appelé à « réenchanter l’espérance, la foi et la charité » et à transmettre cet héritage aux jeunes générations.

Nostra Aetate demeure une porte ouverte. Elle appelle à poursuivre un dialogue exigeant, fidèle et courageux, à la hauteur des responsabilités du temps présent.