11 décembre 2025
Soirée organisée par la Fondation pour Strasbourg au Palais Universitaire.

Strasbourg, façonnée par une longue histoire de coexistence religieuse et de droit local, interroge encore aujourd’hui la place des religions dans la cité. Entre laïcité, dialogue et engagement citoyen, les échanges ont mis en lumière les tensions, les héritages et les perspectives d’un vivre-ensemble en devenir.
Religions dans la cité : enjeux et prespectives
Strasbourg est depuis le Moyen Âge un espace de brassage social et religieux où s’expérimentent des formes nouvelles de coexistence. Dès 1262, la ville renverse son évêque et affirme une séparation des pouvoirs rare pour l’époque. La Réforme (1517–1529) marque ensuite un tournant : Strasbourg choisit le protestantisme, ouvrant une cohabitation encadrée entre catholiques et protestants. Sous Louis XIV, la tutelle royale réorganise les institutions religieuses tandis qu’émergent de nouvelles élites éducatives ; le Bas-Rhin devient l’un des territoires les plus alphabétisés.
La communauté juive, ancienne et instruite, connaît persécutions et dispersion au XIVᵉ siècle. Longtemps interdite de résidence à Strasbourg, elle vit néanmoins dans un voisinage complexe avec la ville. L’histoire régionale nourrit ainsi une culture de tolérance, imparfaite mais profonde.
Le droit local, issu du Concordat (1802) et toujours en vigueur ici, distingue l’Alsace-Moselle du reste de la France : nomination et rémunération des ministres du culte, financement public possible, associations cultuelles de droit local ouvertes à toutes les religions. La loi de 1905 ne s’y applique pas, mais la Constitution garantit la neutralité de l’État. La question demeure : comment intégrer pleinement les cultes
non concordataires, en particulier l’islam, dans un cadre qui ne peut être étendu juridiquement ?
La table ronde souligne que Strasbourg dispose de nombreuses associations et initiatives, mais que cela ne suffit pas : la rencontre doit dépasser la coexistence pour nourrir une vie intérieure, sortir des replis identitaires et prévenir les votes communautaires. Les intervenants rappellent l’importance de l’étude des textes, de l’héritage culturel et du lien personnel à la foi. Les inquiétudes face à l’antisémitisme, les tensions sociales ou la montée des peurs montrent l’urgence d’un dialogue authentique.
Les religions évoluent naturellement, chacune avec son histoire. La laïcité apparaît comme un cadre essentiel permettant à toutes de coexister. La ville est appelée à poursuivre sa vocation : transmettre, nourrir les consciences, ouvrir des ponts. La conclusion appelle à faire de Strasbourg une véritable capitale européenne du dialogue interconvictionnel.
